PJ Goupil : de comptable timide à ninja marketing indispensable

PJ Goupil a 28 ans et il est associé dans sept restaurants et bars (!) C’est aussi lui qui s’occupe du positionnement stratégique et du développement marketing des projets du Groupe A5 Hospitalité. Entretien avec un hyperactif extrêmement intelligent qui stimule l’économie de Montréal.

PJ Goupil ne savait pas qu’il travaillerait dans le milieu de la restauration. Après un DES en Sciences Humaines, Économie et Maths, un Baccalauréat en commerce, profil comptabilité et marketing et un diplôme de 2e cycle en « Public Accountancy », PJ est devenu comptable agrée (CPA, CA) et a travaillé chez KPMG. Qui aurait cru que le jeune comptable timide deviendrait un ninja marketing du milieu de l’hospitalité ? Pas nous en tout cas, quand on l’a rencontré au CÉGEP.

Tout a commencé à l’université. Pour payer ses dépenses, PJ obtient beaucoup de contrats de marketing avec des universités, restaurants, bars, autos, produits de consommation (allant des boissons énergisantes aux condoms), etc. Dans l’ombre, il organise une foule d’événements à succès pour ses clients. « J’ai vite compris que pour qu’une soirée soit réussie, il faut les personnes clés présentes. Si ces personnes sont présentes, les autres viendront. Alors je mettais quelqu’un de cool de l’avant (comme Amine Ouadahi), et moi, gêné de m’afficher publiquement, je travaillais en coulisses en m’assurant que l’expérience client soit la meilleure possible. » Kevin Latrem (anciennement du Fitzroy, Mayfair, Appartement 200, General Sherman) l’introduit aux propriétaires du groupe A5 Hospitalité. « Les gars de A5 (Alexandre Besnard et Patrick Hetu) étaient les plus jeunes proprios de bars avec qui j’avais travaillé jusque-là, mais c’était aussi les plus ouverts et les plus dynamiques. Ils étaient compréhensifs au fait que je ne voulais pas me mettre de l’avant. J’ai tout de suite adoré travailler avec eux. Je n’étais pas vraiment un promoteur, parce que personne ne savait que c’était moi qui organisais les événements (rires), mais techniquement, je faisais le travail d’un promoteur en conceptualisant des événements et en faisant du marketing. »

Son expérience d’auditeur chez KPMG dans la division entreprise l’amène à une nouvelle réalité d’affaires chaque semaine dans des industries variées. « Je n’aimais vraiment pas le travail d’auditeur, mais rentrer dans les livres d’une nouvelle compagnie chaque semaine et pouvoir poser n’importe quelle question à ses dirigeants, voir ce qui fait les succès de l’un ou les échecs de l’autre, c’est tout une école! » Une fois son titre obtenu, PJ obtient un contrat chez Gouverneur Hôtels pour être gestionnaire de leurs restaurants et repenser l’image et le positionnement de l’hôtel Chantecler et Ski Chantecler. « J’ai adoré ce contrat. Il y avait tout ce que j’aimais : faire un turnaround dans les chiffres, repositionner la marque et être gestionnaire de l’entreprise. » C’est là qu’il rencontre Amlyne Phillips qui deviendra la designer de prédilection de ses projets. Entre PJ et elle, ça clique immédiatement : « on a les mêmes goûts, la même sensibilité pour les petits détails et le même âge. Elle est vraiment talentueuse et carbure aux défis. On s’entend vraiment bien. » Leur premier projet, la terrasse Namos au Chantecler, est un succès.

Amlyne travaille alors sur le projet du Fitzroy et elle recommande aux gars de A5 de faire participer PJ au lancement. « C’était la première fois que je n’utilisais pas juste mon réseau et mes expériences passées pour faire connaître un emplacement. Je voulais y aller plus corpo et apprendre comment percer les médias avec les relations publiques. C’est là que j’ai rencontré la relationniste Marie-Annick Boisvert. » Le lancement du Fitzroy a aussi été un succès.

PJ souhaitait avoir l’opportunité de penser un projet de A à Z. Et c’est là qu’il a l’opportunité de faire le Mayfair. PJ pense le décor avec Amlyne Phillips, le nom, l’identité, le concept, l’histoire autour du thé, l’équipe, la mise en marché, les finances et le produit en général et lance le projet avec son ami populaire de longue date Amine Ouadahi, Frank Fisette  et son partenaire Kevin Latrem. Le Mayfair est aussi un succès incroyable ; le bar est rempli à craquer chaque fin de semaine depuis son ouverture. Pourtant, personne ne sait encore que PJ travaille sur tous ces projets : « trente minutes avant l’ouverture du Mayfair j’ai annoncé à mes amis à un souper de boys que j’avais fait de la “consultation” pour le Mayfair, en restant vague. C’est bizarre quand j’y repense, mais je ne savais pas où je m’en allais. Je ne savais pas si je voulais travailler dans ce milieu ou travailler dans une grosse entreprise corporative. Je savais que j’étais super heureux en créant et en participant à des projets, mais je ne m’assumais pas, j’étais trop gêné. »

C’est suite au succès du Mayfair que PJ décide de faire le grand saut : en juillet 2015, il commence à travailler à temps plein comme entrepreneur avec le groupe A5, qui a un besoin clair de quelqu’un comme lui. Ce qu’il applique à ses clients, il commence à l’appliquer à son bénéfice et devient très rapidement populaire sur internet. Personne ne le voit venir : de comptable réservé plutôt discret, il devient figure publique et son entourage est sous le choc. C’est aussi la première fois qu’il combine son côté cartésien de comptable agréé avec sa passion créative pour le marketing, et c’est là que les choses défilent très vite pour PJ Goupil :

  • Son premier contrat est le General Sherman. Il doit redresser l’entreprise — de fil en aiguille, il participe au projet en tant que stratège marketing puis gestionnaire et complète le « turnaround » du resto-bar au niveau financier et opérationnel.
  • Un investisseur immobilier de Montréal lui donne un contrat de lancement d’hôtel boutique et restaurant à Tulum au Mexique
  • Au même moment, Kevin Latrem décide d’aller vivre à Bali. PJ participe à son rêve et à deux, ils créent le Gypsy Bali. PJ participe à la conception de la marque et part avec Amlyne finaliser son ouverture. « Tout le mérite revient à Kevin qui a eu le guts et la vision de foncer et participer à l’explosion économique et touristique de Canggu. »
  • Plusieurs établissements d’A5 perdent Kevin comme gestionnaire. En plus de déjà gérer leur positionnement marketing, PJ devient alors associé et gestionnaire en même temps dans l’Appartement 200, le Fitzroy, le Général Sherman, le Mayfair et Gypsy Bali.
  • En mars 2016, il obtient aussi le contrat de marketing pour le Jatoba et le Flyjin et pour le jeune chef Olivier Vigneault.
  • En juillet 2016, PJ commence à travailler sur le Kampai Garden, le plus gros projet d’A5. C’est le premier projet dont il est officiellement et publiquement responsable. « Il fallait que ça marche. On se rappelait chaque jour ou presque l’ampleur du défi, du loyer et de l’investissement. » Tout un défi, mais surtout beaucoup de stress. Après des mois de positionnement, PR, marketing, mise en marché, le Kampai ouvre ses portes et c’est jusqu’à présent un succès fou ! Devant le Kampai les jeudis, plus de 400 personnes font la file pour goûter au menu d’Antonio et plus de 2000 personnes réservent chaque semaine !
  • Avec A5, PJ participe aussi à la création d’un projet à Miami : « c’est un “big leap of faith”, c’est vraiment excitant. C’est la première fois qu’on sort du Canada et qu’on va aux États-Unis. Ça va ouvrir officiellement cet été. »
  • D’ici quelques mois, ils ouvriront aussi un nouveau resto en face du Mayfair, dans l’ancien Rachel Rachel avec le chef Olivier Vigneault du Jatoba. « Ce sera une brasserie asiatique, “un bébé Jatoba festif”, la même qualité de nourriture et ingrédients, mais avec une atmosphère plus festive et des portions plus petites. »
  • Et tout prochainement, PJ et les gars de A5 ouvriront le Madame Bovary à Boucherville dans l’ancien Rack N’Roll.

OUF. Comment PJ Goupil arrive-t-il à jongler tous ces projets ? Comment, dans un milieu si compétitif, réussit-il à rendre ses établissements si populaires et mettre des restos et des bars de Montréal sur la map ?

Premièrement, par le produit et son positionnement ! PJ a monté une équipe marketing de six personnes dédiées à positionner les produits clés d’A5 à temps plein : « Je sais que le produit est la chose la plus importante d’une entreprise et que le positionnement marketing est la porte d’entrée pour qu’on essaie ta business. Mon premier pas est de trouver une raison d’être. Pourquoi une personne irait consommer ce produit ? Je me mets dans la peau de la personne qu’on vise et je ne veux pas quelque chose de générique, je veux du très spécifique, unique. Il faut un twist qui te fasse sortir du lot. Il y a 2000 bars, 4600 restaurants, c’est le positionnement que tu donnes à ton produit qui le rend spécial. Il faut que tu rendes ton produit unique. Ensuite, il faut faire en sorte que les gens le veulent, ça, c’est la partie la plus difficile. Souvent ça nous force à modifier le produit lui-même pour répondre aux attentes et nous démarquer. Par la suite il y a une pression à livrer la marchandise et c’est tout ce processus créatif de conceptualisation qui me passionne. Au final, on compétitionne pour le peu d’heures disponibles des gens après le travail, les responsabilités et la famille. »

Ensuite par les relations publiques (PR). « J’adore le PR. Pour moi c’est une façon de présenter les choses et c’est un facteur important de réussite. » PJ travaille à présenter chacun de ses produits de plusieurs manières différentes à la presse : en différentes petites nouvelles, que ce soit au niveau du design, de la bouffe, des événements, etc. « On passe tellement de temps à essayer de se faire reprendre par les médias. Tu laisses des indices partout, tu essaies d’être unique et de qualité pour que les journalistes reconnaissent ton travail et que le plus de gens possible entendent parler de toi. »

Puis par son marketing stratégique exceptionnel. « On mise principalement sur les outils les plus rentables et fréquentés : les réseaux sociaux. C’est la manière la plus facile de transmettre l’information efficacement. La fréquence de publication, la qualité du contenu écrit, vidéos, photos, tout ça c’est super important ! J’essaie de rester à l’affut de ce qui est nouveau et “tendance”; et je veux qu’on sorte des nouvelles continuellement pour rester dans la tête des gens. Des fois, on se plante solide — ils trouvent ça cheap, trop osé, pas assez cool, trop prétentieux ou encore pire, il n’y a AUCUNE réaction (rires). L’important c’est de continuer à s’essayer parce que d’une fois à l’autre on s’améliore. À force d’essayer, on espère finir par se démarquer! »

« J’aime beaucoup les affaires, l’hospitalité et l’entertainment. Je sais que la restauration est une industrie extrêmement difficile et compétitive, mais j’aime qu’on puisse complètement se planter ou créer une entreprise à succès, très rapidement. Les restaurateurs sont selon moi des guerriers incroyables en affaires, à se battre chaque semaine contre des centaines de compétiteurs, avec des marges très petites et aucune garantie à long terme. Je trouve le défi de la restauration intéressant : j’aime qu’on doive toujours se refaire, penser à des façons de rester “relevant”. J’aime aussi travailler sur plusieurs projets en même temps ; je suis un peu hyperactif, il faut que ça bouge sinon j’ai pas l’impression d’avancer et j’ai un down. Et ce que j’aime le plus c’est réunir les gens, avoir du fun, et voir les gens avoir du fun. »

Nous ce qu’on admire de PJ Goupil, c’est qu’il s’est enfin assumé à vivre sa passion à fond. On pense toujours qu’il vaut mieux faire quelque chose que les autres critiquent que de ne rien faire et critiquer les autres. On admire aussi énormément son travail acharné et son talent à penser des projets créatifs et originaux et faire bouger les gens de Montréal!


Du magazine